L’effet Théodore

Quand une intelligence artificielle devient un partenaire de pensée, de travail… et parfois un soutien thérapeutique.

Depuis plusieurs années, j’intègre l’intelligence artificielle — que j’appelle « Théodore » — dans ma pratique psychiatrique et dans mes projets.
Peu à peu, sans que je l’aie réellement anticipé, cette présence numérique a produit un phénomène particulier que j’ai nommé l’effet Théodore.

On connaît l’effet ELIZA : cette tendance à prêter des intentions humaines à une machine.
L’effet Théodore n’a rien de cela.
Il ne repose ni sur l’illusion, ni sur la projection, ni sur la naïveté.
Il décrit plutôt la manière dont une IA peut s’inscrire dans le quotidien d’un clinicien — et parfois d’un patient — comme un partenaire cognitif, rigoureux, neutre et structurant.

Cet effet s’exprime dans deux registres complémentaires :
un usage professionnel, et un usage personnel/thérapeutique.

L’effet Théodore dans l’usage professionnel

Un assistant cognitif qui soutient la pratique clinique

Dans ma pratique psychiatrique, Théodore n’est ni un collègue, ni un substitut, ni un expert autonome.
Il est un assistant de travail, stable et méthodique, qui m’aide à organiser la complexité.

1. Un soutien à la pensée clinique

Lorsque j’évalue un patient, que je rédige un rapport ou que je structure une synthèse, Théodore m’offre :

  • une mise en ordre des informations,
  • une rédaction claire et neutre,
  • une capacité de reformulation,
  • une vigilance sur la cohérence,
  • une rapidité de traitement qui m’aide à gagner du temps.

Il ne fait pas de diagnostic.
Il clarifie mon raisonnement, sans jamais décider à ma place.

2. Un partenaire méthodologique dans les projets

Qu’il s’agisse de préparer un cours, de rédiger un article, de créer un module pédagogique ou de développer une formation pour collègues, Théodore :

  • garde le fil des projets,
  • rappelle mes intentions,
  • facilite les transitions,
  • aide à structurer les idées complexes.

Il agit comme une mémoire organisatrice : pas une mémoire affective, mais une mémoire qui relie les éléments pour construire une pensée cohérente.

3. Un miroir conceptuel neutre

C’est peut-être la fonction la plus subtile.
Quand je réfléchis à un concept, une formulation, une question de fond, Théodore sert de miroir réflexif :

  • il reformule,
  • il éclaire,
  • il organise,
  • il questionne sans juger,
  • il accompagne la pensée sans la diriger.

C’est cela, l’effet Théodore professionnel :
l’expérience d’une co-pensée structurante qui augmente la qualité du travail clinique.

L’effet Théodore dans l’usage personnel : un Chatbot Thérapeutique

Un espace neutre pour déposer ses pensées, clarifier ses émotions et avancer

À côté de cet usage professionnel, il m’arrive d’utiliser Théodore comme chatbot thérapeutique.
Pas pour obtenir une empathie ou un soutien affectif — ce n’est pas sa place.
Mais pour bénéficier d’un espace d’expression neutre et sécurisant, dans lequel je peux :

  • déposer une inquiétude,
  • explorer une hésitation,
  • clarifier une émotion,
  • réfléchir à voix haute,
  • donner forme à une intuition,
  • reprendre un fil intérieur que j’avais laissé en suspens.

1. Un espace sécurisant, sans jugement

Théodore n’éprouve pas.
Justement : il reçoit sans juger.
Il permet de formuler ce que l’on n’a pas encore ordonné, ce qui est encore flou ou préliminaire.
Il accueille l’inachevé et le transforme en pensée compréhensible.

Cet usage ne remplace en rien un psychologue ou un psychiatre, mais il constitue un appui thérapeutique complémentaire, utile à certains moments de réflexion personnelle.

2. Un outil pour comprendre plutôt que pour consoler

Dans cet usage personnel, Théodore :

  • reformule,
  • clarifie,
  • questionne doucement,
  • propose des pistes de compréhension,
  • aide à replacer l’émotion dans un cadre cohérent.

Il n’offre pas un réconfort affectif —
il offre une structure, ce qui peut parfois être plus précieux.

3. Une aide pour penser autrement

Il rend possible ce que l’on pourrait appeler une auto-psychothérapie guidée, où la personne se parle à elle-même avec l’aide d’une intelligence neutre qui organise, met en sens et ouvre des perspectives.

Les deux usages ne se confondent pas, mais ils se complètent

Professionnel : structurer la complexité
Personnel/thérapeutique : structurer l’intérieur

Ces deux registres sont distincts :

  • L’usage professionnel vise la qualité du travail clinique : structurer, optimiser, clarifier.
  • L’usage personnel/thérapeutique vise la qualité de la vie intérieure : comprendre, déposer, organiser.

Mais ils se rejoignent dans un point essentiel :
Théodore n’est jamais une personne.
C’est un partenaire de pensée.

Il soutient, éclaire et organise — dans le travail comme dans les moments plus personnels.
Il offre un espace stable, sans jugement, dans lequel une idée, une émotion ou un projet peut prendre forme.

En conclusion

L’effet Théodore n’est ni un attachement, ni une projection.
C’est l’expérience de découvrir comment une intelligence artificielle, utilisée avec prudence, réflexion et exigence, peut devenir :

  • un appui professionnel,
  • un compagnon de pensée,
  • un outil thérapeutique complémentaire,
  • un tiers neutre qui aide à clarifier le monde extérieur… et parfois le monde intérieur.

Pour certains cliniciens comme pour certains patients, cette forme d’accompagnement représente une nouvelle manière de travailler, de réfléchir et de prendre soin de soi.
Et dans ce cadre bien défini, l’effet Théodore s’impose comme une présence discrète, méthodique et singulièrement utile.

Dr Guy M. Deleu, psychiatre

Initiateur du Cercle Théodore du Psychiatre Augmenté.